Symphonie pour la vie

Symphonie pour la vie, c’est un disque enregistré à l’initiative de Gautier Capuçon réunissant la fine fleur du monde musical français, mais aussi des concerts filmés, retransmis à la télévision publique. Tout cela au profit de la fondation Hôpitaux de Paris-Hôpitaux de France, qui est une fondation appelant aux dons les entreprises et les particuliers, présidée par Brigitte Macron. Avant elle, c’est Bernadette Chirac qui était à ce poste. Cette fondation est entièrement privée, et permet aux maris de ces deux présidentes de laminer le financement de l’hôpital public tout en faisant croire qu’ils oeuvrent activement à l’amélioration de celui-ci. Un peu comme quand Coca recycle des bouteilles de plastique pour mieux nous en vendre, ou quand Total fait la promotion de l’éolien.

Gautier Capuçon et ses amis ont parfois été critiqués ces derniers temps, et certains nous ont mis devant notre propre médiocrité pour justifier ces critiques. Nous n’avons pas le niveau ou la carrière requise pour critiquer ces représentants de la culture française, qui frayent avec l’Elysée et les puissants. J’espère que ceux qui nous opposent ces arguments étaient devant leur poste et ont regardé ce magnifique concert.

La générosité de Monsieur Capuçon étant sans limite, il n’a pas joué, pour le peuple, un répertoire élitiste. Non, il a voulu mélanger les styles, car c’est cela qu’il aime dans la musique, les rencontres. Nous avons pu ainsi entendre des duos inédits et originaux, Claudio Capeo et Jérôme Ducros, Gautier Capuçon et Gims (oui oui !), Dany Brillant et Astrig Siranossian, Nicolas Dautricourt et Jane Birkin « improvisant » spontanément quelques phrases de La Javanaise de Gainsbourg devant les caméras après avoir vanté les mérites du magnifique Stradivarius prêté à monsieur Dautricourt par un altruiste mécène.

Cet élan de générosité a quand même permis aux uns et aux autres de rappeler leurs sorties de disque et de s’autocongratuler pendant un bon moment. J’ai craqué au bout d’une heure, mais cette première heure fut tellement dense que je ne pouvais plus absorber tant de beauté passé ce délai. Le sommet est arrivé assez vite, avec un medley de chansons de Johnny Hallyday interprétées par Gautier Capuçon devant l’orchestre, vibrant et glissant sur l’Ambassadeur (le nom de son violoncelle, un magnifique Gofriller), bientôt rejoints par Lise Berthaud et Hugues Borsarello. Un peu plus loin dans le morceau, plan large, on voit Gautier sur un tapis rouge devant l’orchestre, ses acolytes en dehors du tapis, et là arrive le ténébreux Nicolas Dautricourt, donnant à la scène et à la musique une dimension dramatique exceptionnelle, incitant probablement les téléspectateurs à envoyer leurs dons.

Quelques interviews bien senties nous ont permis d’intégrer cette belle famille, Hugues Borsarello précisant que les repas de Noël étaient très sympathiques avec son beau-frère Gautier Capuçon. L’entre-soi atteignait à ce moment son paroxysme.
Je ne critiquerai pas ces musiciens sur leur niveau instrumental. Il est très élevé, et leur performance technique d’un niveau tout à fait exceptionnel. Mais la musique n’est pas faite que de cela. Quelle sont les raisons qui ont poussé ces gens à penser qu’ils pouvaient jouer des répertoires qui ne leur sont pas familiers avec brio ? Entendre et voir ces musiciens jouer des chansons d’Aznavour et de Johnny Hallyday est aussi déplacé qu’entendre Maitre Gims chanter du Wagner. Mais l’union derrière l’urgence de la situation qu’engendre le covid justifie n’importe quoi. Et puis, ne sont-ce pas les meilleurs musiciens français ? Ceux qui peuvent tout jouer, qui magnifient toutes les musiques qu’ils décident de s’approprier ?

Cette soirée a été une parfaite démonstration d’entre-soi, de fatuité et de démagogie musicale. Brigitte Macron est venue, avec l’aide de Dider Deschamps, vanter les mérites sa fondation. Des médecins sont même venus jouer avec nos stars, afin de donner une caution inattaquable à la fondation. Je ne m’explique d’ailleurs toujours pas comment des gens travaillant dans un système

démantelé pierre par pierre par l’État depuis des décennies peuvent venir se compromettre en faisant la promotion de la charité bourgeoise. La notion de service public, que ce soit dans le domaine de la santé ou de la culture, a sérieusement été mise à mal. Et la place laissée à la télévision publique à ce genre d’initiatives en dit long sur l’utilisation de l’argent public.

Peut-être pourrons-nous, dans la société idéale promue par ce concert, nous faire soigner tout en écoutant l’intégrale de Johnny Hallyday sortant d’instruments du XVIIè siècle, le tout rendu possible par les dons de généreux mécènes. Est-ce cela que nos voulons vraiment ?

Convergence des Luths

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